Fiscalité
Date de publication : 07/09/2020
Philippe Guay
Depuis bientôt une vingtaine d’années, les associations ont découvert et mis en place de nouvelles règles fiscales. En effet, l’administration part du principe que, dès lors qu’une activité exercée, même partiellement, présente les mêmes caractéristiques que celles développées par une entreprise commerciale, il est normal que cette dernière soit assujettie aux mêmes impôts : taxe sur la valeur ajoutée (TVA), impôt sur les sociétés (IS) et taxe professionnelle devenue depuis la contribution économique territoriale (CET) constituée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Article mis à jour en mars 2024
Dès sa publication, l’instruction fiscale, désormais bien connue du secteur associatif, s’est révélée inapplicable car la première instruction, datée du 15 septembre 1998, n’accordait aucun seuil et prévoyait que cette règle devait s’appliquer dès le premier franc. Par la suite, l’administration fiscale, instaurant une franchise dont le montant a évolué au fil du temps, a admis que la détermination des opérations soumises aux impôts commerciaux se fasse dans le cadre d’une organisation administrative permettant d’isoler ces opérations dans un secteur distinct fiscalisé.
Une association, dont l’activité principale est non lucrative, peut réaliser des opérations de nature lucrative. Ce peut être notamment le cas quand l’organisme estime que le développement d’une activité à caractère commercial est nécessaire à l’exercice de son activité non lucrative. Dans cette hypothèse, le caractère non lucratif d’ensemble de l’association n’est pas contesté si les opérations lucratives sont dissociables de l’activité principale non lucrative. Il est en outre nécessaire que l’activité non lucrative demeure significativement prépondérante. En effet, la partie lucrative ne doit pas orienter l’ensemble de l’activité de l’organisme. De plus, le traitement fiscal de cette activité lucrative accessoire varie en fonction de l’impôt considéré : IS, TVA, CET.
Dans ces conditions, tant que le montant de la franchise n’est pas dépassé (78.596 € pour l’année 2024), l’association n’a rien à faire. Une seconde instruction, datée du 16 février 1999, a mis en place et précisé les modalités de cette sectorisation. Reprise au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (Bofip) BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10, elle détaille par le menu les différentes modalités de valorisation et d’inscription des différentes rubriques qui constituent le bilan d’ouverture du secteur lucratif ainsi que les règles de répartition des opérations entre les deux secteurs (lucratif et non lucratif) et leurs modalités de récupération en matière de TVA. La mise en œuvre de cette sectorisation n’est pas exactement la même en fonction des impôts visés.
Pour déclarer un secteur distinct en matière de TVA, l’association doit se faire connaître auprès de l’administration en sa qualité d’assujettie afin d’obtenir un numéro de TVA Intracommunautaire. Cette dernière référence doit être obligatoirement indiquée sur toutes les factures assorties de la TVA que l’association émettra à partir de la date de son option. Pour cela, l’association devra déposer au préalable une déclaration d’existence fiscale auprès des services fiscaux, ce qui déclenchera, par la suite, l’obligation régulière de déclaration et de paiement de la TVA. Un courrier d’accompagnement déclarant formellement et identifiant les opérations lucratives retenues sera le bienvenu.
En matière d’IS, les opérations lucratives doivent être réalisées dans le cadre d’un secteur d’activité distinct. L’association pourra donc séparer ses activités entre un secteur non lucratif et un secteur lucratif. Par ailleurs, lorsque les critères de prépondérance font apparaître une prédominance des activités lucratives, elle pourra à tout moment filialiser son activité lucrative dans une structure commerciale.
Pour organiser la sectorisation de ses activités lucratives, l’association procède à une exacte répartition de ses charges entre le secteur lucratif et le secteur non lucratif. En effet, chaque activité doit assumer toutes les charges qui lui incombent, et seulement celles-ci. La sectorisation ne pourrait avoir pour conséquence d’entraîner des transferts de charges au détriment de l’activité assujettie aux impôts commerciaux, dégageant de ce fait des bénéfices dans les seules structures non fiscalisées. Au plan déclaratif, l’association n’a pas de formalités préalables à effectuer. C’est le dépôt de la première liasse fiscale, à la fin du premier exercice fiscalisé, qui revêt toute son importance car c’est elle qui détermine les bases déclaratives soumises à l’IS qu’on appelle « bilan d’ouverture ».
À lire :
Créer une filiale commerciale : un levier de croissance ?
L’association qui aura opéré une sectorisation de ses activités lucratives sera assujettie à la CFE sur la seule partie lucrative. Seuls les moyens d’exploitation affectés à cette dernière devront être compris dans ses bases d’imposition. Ainsi, lorsque les deux activités sont exercées dans des locaux distincts, la CFE ne porte que sur les locaux où est exercée l’activité imposable. Lorsque les locaux sont communs, la répartition des éléments d’imposition à l’activité imposable et à l’activité non imposable devra s’effectuer selon l’estimation effectuée par l’association elle-même en fonction de critères pertinents. Pour l’administration fiscale, cette répartition doit être cohérente avec celle retenue en matière d’imposition sur les sociétés. Lorsque les deux activités sont exercées dans les mêmes locaux, il convient alors de ne retenir que la fraction de la valeur locative des terrains, calculée au prorata du temps d’utilisation pour l’activité taxable.
Lorsqu’elle érige un secteur fiscalisé, l’association doit mettre en place une comptabilité distincte qui lui permette d’isoler les opérations qu’elle réalise pour ses activités lucratives. En effet, cette organisation comptable est indispensable pour retrouver et démontrer à tout moment les bases soumises aux trois impôts évoqués ci-dessus, mais également pour identifier les différents montants déductibles en matière de TVA ou de charges pour la détermination des assiettes taxables.
Bien que l’administration ne l’exige pas de manière formelle, nous recommandons fortement de retenir une organisation sous forme de comptabilité distincte dite « par établissement » plutôt que de se contenter d’une comptabilité analytique. Cette organisation présente à nos yeux plusieurs atouts :
Appliquée depuis 2014, une procédure de contrôle fiscal à distance, dénommée « examen de comptabilité » et réservée au contrôle des comptabilités informatisées, vise également les associations qui réalisent des activités lucratives. Elles doivent, comme les entreprises commerciales, mettre en place le fichier de leurs écritures comptables (FEC) et le transmettre, sur demande de l’administration.
À défaut de transmettre leur comptabilité dans les délais et selon les modalités prévues, elles s’exposent à une amende de 5 000 € par an. Si au moins un secteur à but lucratif est déclaré, il y a obligation de présentation d’un FEC. Il est admis qu’un FEC soit produit pour la seule partie lucrative, à condition que celle-ci fasse l’objet d’une comptabilité autonome. Le FEC doit comprendre l’ensemble des données comptables et des écritures retracées dans tous les journaux de la comptabilité lucrative au titre d’un exercice donné. Pour chaque écriture, l’ensemble des lignes constitutives figurant dans le système informatisé doit être produit en respectant un format électronique conforme aux exigences de l’administration fiscale.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.